Le Grand Entretien avec Claude-Eugène Bouvier
Comment se porte le thermalisme au niveau national ?
On avait touché le fond de la piscine, on remontait à la surface proche de la ligne de flottaison financière et on nous replonge la tête sous l’eau avec un amendement dont je ne conteste pas le bien-fondé, mais inopportun, et une salve médiatique dévastatrice.
Malgré tous les coups reçus, crise sanitaire, crise énergétique, amendement Mesnier et articles de presse malveillants, le thermalisme est toujours vaillant parce qu’il représente une option de prévention et de soins en phase avec les aspirations profondes de nos concitoyens et un modèle « d’écologie médicale ». J’ai toujours en tête ce proverbe africain qui nous va à merveille : « Ils ont voulu nous enterrer mais ils ont oublié que nous étions des graines… ».
Votre rôle durant la Crise Covid a été unanimement salué, il s’agissait d’un challenge de taille ?
A titre personnel, il s’est agi de la période la plus intense de ma vie professionnelle, avec des enjeux énormes pour la filière et des prises de décisions qui impactaient en même temps la vie des entreprises thermales et la vie humaine.
Je garderai le souvenir d’échanges téléphoniques avec certains exploitants désemparés, angoissés, des sanglots dans la voix,…Je dois avouer que je n’ai pas toujours très bien dormi pendant ces deux années de crise…Ce qui a fait notre force et notre réussite face à une situation inédite, c’est la capacité que le CNETh a eu à écouter et à mobilier l’intelligence collective, à anticiper les situations sur le terrain, et à se faire entendre des pouvoirs publics.
De nombreux projets d’envergure sont en cours de développement dans le secteur, cela vous conforte pour l’avenir du thermalisme ??
Ce qui peut surprendre certains, c’est la confiance des investisseurs et des opérateurs dans l’avenir de l’activité. Le taux d’investissement n’a pas fléchi malgré la crise, ce qui prouve que la station thermale est perçue comme un lieu d’avenir.
En fait, la station thermale est un site sans équivalent et d’une grande modernité puisqu’il conjugue harmonieusement trois activités : le curatif, le préventif et le récréatif.
Chaque composante est importante et doit interagir en synergie avec les autres. On finira sans doute par découvrir que la station thermale n’est pas un itinéraire bis ou un cul-de-sac dans le parcours de santé, mais une étape qui vaut le détour.
Quels sont, selon vous, les principaux enjeux que la médecine thermale aura à relever dans les prochaines années ?
On s’est peut-être trop habitués à essuyer les critiques et encaisser les coups de nos détracteurs. Il faudra être plus conquérant et affirmer que le thermalisme n’est pas un problème pour les comptes publics, mais une partie, aussi minime soit-elle, de la solution.
La cure thermale est une dénomination trop réductrice qui ne reflète déjà plus la réalité et il sera plus juste de lui substituer la notion d’intervention thermale qui intègre les dimensions préventive et réadaptative au sein d’une médecine intégrative. Elle mobilisera toutes les ressources que peut offrir une station thermale, décloisonnée et affranchie de la bipolarisation stérile « médical vs bien-être ».
Que retiendrez-vous de ces années à la direction du CNETh ?
Si le tonneau des Danaïdes existe, alors il doit être rempli d’eau thermale…Le combat pour la défense et la promotion du thermalisme est éternellement recommencé.
Ce que je retiendrais : le stress de la fonction, la force des réseaux, la suprématie du jeu collectif, et la confirmation de ce que j’avais appris sur les terrains de foot en étant gamin : un match n’est jamais perdu avant le coup de sifflet final.
Ce qui me retiendrait et aurait pu m’inciter à jouer les prolongations : les valeurs humaines de ce syndicat jamais sacrifiées sur l’autel du profit, la joie de se mettre au service de l’adhérent quels que soient son poids économique ou son mode de gestion, l’inattendu dans le quotidien, la fraternité des opérateurs, leur formidable capacité de résilience et, surtout, la confiance qu’ils m’ont témoignée et le sentiment qu’en quelques occasions, j’en ai été le digne dépositaire.